Mon Festival d'Avignon

Sous une forme qui pourrait surprendre, une conférence-karaoké, Laurent Franchi, comédien au talent chaleureux présente de manière vivante et souvent drôle, le parcours du combattant d'un couple homo désirant adopter. Dit comme ça, on pourrait s'attendre à un spectacle documentaire, mais il n'en est rien, l'aventure est racontée de façon incarnée, enjouée, dont les parties chantées avec le public ne permettent pas seulement des respirations dans l'avancée de l'intrigue, elles ménagent aussi une cohérence inattendue avec la fin de l'histoire. Mais c'est la dentelle des sentiments exprimés qui frappe d'abord. Car en plus des interrogations sur la légitimité d'être parent quand on est homosexuel, de l'hostilité d'une société qui peine à accepter l'évidence, de la lourdeur administrative parfois doublée de l'hostilité susdite, le spectacle nous propose une réflexion amenée légèrement mais fort profonde sur l'angoisse de fonder une famille, sur la responsabilité individuelle et collective que cela représente, sur ce que signifie l'éducation, et surtout sur la part essentiel des sentiments dans les affaires humaines. Le discours de Christiane Taubira au moment de l'adoption du mariage pour tous en est la parfaite illustration, proclamé "à voix puissante", comme elle le dit, cette même voix puissante qui appelle les êtres qui s'aiment à deux à vouloir s'aimer à trois, qui appelle les individus à vouloir fonder une communauté... On sort du spectacle avec une petite boule au fond de la gorge.