Iphigénie (IN : Opéra d'Avignon)
Une Iphigénie éternelle et revisitée, une tragédie modernisée et fidèle au mythe antique, Tiago Rodrigues a su garder et rendre finalement très accessible le combat intérieur mis en discours collectif opposant l'intérêt général et l'aspiration au bonheur individuel, les élans du coeur et le carcan de la raison. Et Anne Théron a parfaitement mis en scène ce combat en faisant le choix du jeu statique, parfois hiératique, des acteurs, tous présents sur le plateau du début à la fin, contrebalancé par un discours clamé, déclamé, proclamé entre des individus qui peu à peu s'éloignent les uns des autres sur les plaques d'une banquise tellurique, dans un monde qui se fragmente, dans une conscience personnelle et collective qui vole en éclat. L'appel lancinant au souvenir de ce qui est en train de se passer sur le moment, créant parfois quelques écarts, en même temps qu'il rappelle l'inscription du mythe dans le patrimoine mémoriel de chacun, ancre les événements dans cet "inévitable" qui est le fond de notre condition tragique. Notre destin n'a qu'un horizon sombre (toujours présent, projeté en arrière plan de la représentation) : la catastrophe finale, le retour au néant de chacun et de tous. On en sort en miettes.
