Mon Festival d'Avignon

On dirait une galéjade : une pièce sous un pont, une pièce où on parle fort, avé l'assent, autour d'une partie de boules qui débute. Dans cet univers chaleureux, où trois bons copains, un "Provençal", un "Arabe" et un "Pied-noir", voient arriver un "Parisien" avec un oeil goguenard, la conversation tombe peu à peu sur ce qui les relie et les sépare, sur les origines de part et d'autre de la Méditerranée, sur cette guerre qui a déchiré autant qu'elle a finalement uni ceux qui en ont été les victimes collétarales. Mais ce qui est en cause n'est pas seulement l'histoire et ses stigmates, la colonisation et les préjugés, c'est aussi la question de l'identité, celle qu'on croit inaltérable et qui est certainement plus fragile qu'on n'imagine, la question des fondements même d'une société et des richesses qui se cachent derrière les murs qu'on essaie de construire... Les discours s'enflamment (on est dans le sud !), puis s'apaisent, puis s'enflamment encore, les passions s'exaspèrent, car c'est de cela qu'il s'agit : de passions qui brûlent les mémoires, les esprits et les corps, de passions partagées, pas toujours de la même manière, mais qui finissent par s'incarner dans le jeu, le jeu de boules et le jeu théâtral. Au bout du compte, c'est moins "les boules" qu'on a, que "la boule", dans la gorge et au coeur. Un très joli spectacle qu'il ne faudrait certes pas réduire à une galéjade...