Nulle autre voix (Artéphile-OFF)
Est-il possible d’être soi quand on nous refuse d’exister ? Est-il possible d’avoir sa place dans la société quand la société vous efface ? La réponse ne peut qu’être violente, et la pièce met en scène cette violence. Probablement moins la violence de l’acte libérateur, mais insupportable pour soi comme pour les autres, que la violence du contexte, de la réponse des autres, du poids des jugements qu’ils soient judiciaires, moraux, sociaux, personnels ou collectifs. L'Algérie contemporaine peut représenter à ce titre un cadre malheureusement exemplaire pour un tel drame. Le meurtre fondateur, à la Meursault dans un certain sens, tant sa survenue est imprévisible et le mutisme qui le suit insondable, mais aussi pour son cadre algérien, a pour conséquence une réclusion libératrice, une rédemption par la condamnation. Car au-delà du problème essentiel de la violence ancestrale et normalisée contre les femmes, épouses ou « égarées », cette pièce aborde le problème de la venue à l’existence de l’individu, quand toutes les pesanteurs ont maintenu ses ailes entravées, de l’accomplissement de l’être dans une société de carcans, par l’ouverture à toutes les potentialités que nous offre la vie. Et cela peut passer par la violence réelle ou symbolique, parfois nécessaire, par la rupture avec les conventions intolérables, par l’écriture salvatrice, romanesque ou dramatique, par la parole libératrice. La pièce n’est en rien manichéenne ou simpliste, elle va au fond des choses avec tact et délicatese, jusqu’au paradoxe de la présence masculine qui ne se manifeste que par de douces méloppées, par quelques manifestations de la plus grande sensibilité, alors que plane encore l’ombre du bourreau. Le jeu de Linda Chaib est on ne peut plus juste, fort, nuancé. Une très belle pièce.