Richard III (Théâtre du Roi René-OFF)
Du Shakespeare dense, rude, dru, velu... On connaît l'histoire : tout le monde est prêt à tout pour le pouvoir, ou pour approcher le pouvoir, trahisons, meurtres horribles, exécutions sommaires, mariages forcés, fratricides, absence de scrupules, de morale, de pitié, absence d'humanité. Dans un délicieux langage shakespearien, ampoulé à souhait, et qui se mue bien souvent en diatribes ou invectives outrées, c'est une accumulation de forfaits abominables qui nous est contée. Les choix de mise en scène sont particulièrement originaux et intéressants : une machinerie à la Mad Max, polyvalente comme les fantoches qui gravitent autour du pouvoir, des musiques tonitruantes comme le "bruit et la fureur" inséparables des pièces de Shakespeare, des costumes en apparence formés de cravates, or la cravate est bien la marque visible du pouvoir masculin, car tous les bourreaux, traîtres ou auteurs de basses besognes sont des hommes dans la pièce. La violence au pouvoir est indéniablement masculine ! Mais tous les rôles sont joués par des actrices, au jeu remarquable par ailleurs, et cela peut interroger... renversement des rôles du théâtre élisabéthain où les personnages féminins étaient joués par des hommes ? Volonté de déposséder les hommes d'un pouvoir qu'ils ont trop longtemps confisqué ? Démonstration que la violence et l'ambition sont universelles et transcendent les genres ? Chacun trouvera son interprétation. Il reste que la pièce, au milieu du chaos sanguinaire représenté, au milieu du mépris pour l'existence humaine manifesté, au milieu des discours trompeurs, hypocrites, à double entente, n'est pas sans analogies avec la situation d'aujourd'hui, et fait un triste écho à l'actualité.