Romeo et Juliette (Théâtre des Halles-OFF)
Roméo et Juliette c'est la fraîcheur de l'amour dans sa fleur confronté aux règles de fer de clans médiévaux, c'est l'individu libre face à la loi implacable. C'est donc la pièce du refus, de la dissidence, de l'écart. Et c'est cet écart que la mise en scène d'Alain Timar souligne à merveille. Dans un monde stéréotypé et exotique où des costumes qui pourraient passer pour des costumes traditionnels coréens ne créent en réalité qu'une uniformisation des individus, dans un monde orientalisant où les genres sont difficiles à percevoir, en commençant par la féminisation de certains groupes ou personnages de la pièce, dans un monde où même la musique, quasi permanente, oscillant entre la tradition coréenne et l'électro lancinante, dans un tel monde du gommage de la personne comment les élans intimes du coeur peuvent-ils s'exprimer, se matérialiser, comment deux êtres singuliers peuvent-ils actualiser leur amour ? L'intrigue se situe bien à Vérone, mais une Vérone intemporelle, éternelle, comme l'est l'histoire tragique des deux amoureux, histoire d'un écart, d'un amour dissident, du refus de la loi des hommes quand celle du coeur est la plus forte. Cette représentation atteint finalement bien le fond de la problématique shakespearienne : est-il possible de préserver l'intégrité de l'individu dans une société de carcans, peut-on concilier l'ordre social et les aspirations personnellles ? La mise en scène originale d'Alain Timar est en accord parfait avec ces interrogations.