Mon Festival d'Avignon

Mon Festival d'Avignon

Taire (La Fabrica-IN)

Il n'est jamais facile de construire une existence, de trouver sa place dans le monde, dans un monde régi par des textes, des lois, des écrits ou des discours, par la parole. Car la parole peut fermer des portes, la parole peut condamner, la parole peut tuer. A travers deux diégèses en apparence éloignées, l'histoire d'Eden, une enfant ballottée de familles d'accueil en foyers inhumains, où l'enfer est plus fréquent que le paradis, et le mythe d'Antigone, qui devra choisir entre la loi et la morale, entre la règle et l'amour, c'est bien de la parole dont il est question. La parole d'Eden est éruptive, elle est mensonge, cri, vocifération, hurlement de désepoir, c'est une parole qui s'élève face à l'arbitraire bureaucratique, une parole qui ne renvoie qu'à l'absence, une parole qui masque le silence affectif dans lequel elle évolue. La parole d'Antigone n'existe pas, Antigone se tait, reste mutique face à la barbarie de la guerre, à la barbarie des lois coercitives et absurdes. Toutes les deux "taisent", à leur manière, ce qu'elle ont au fond de l'âme et du coeur. Le destin des deux jeunes filles est celui de tout être qui veut se libérer du carcan des règles sociales écrasant l'individu sous le poids des discours oppressifs, qui se bat contre une parole asservissante pour retrouver, au-delà du silence, la parole libératrice, la parole créatrice, la parole cathartique du drame représenté, la parole poétique... infiniment ! Une pièce magnifiquement écrite, qui touche profondément, une pièce sur l'enfance brisée, sur nos existences jamais parfaitement construites, sur la parole et le silence, comme deux faces d'une médaille que nous sommes condamnés à porter éternellement.

 

©Jean-Rémy Turgis

©Jean-Rémy Turgis



22/07/2025
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